McDonald’s a récemment dévoilé une publicité de Noël conçue entièrement à l’aide de l’intelligence artificielle.
Une première pour la marque.
Et un choc immédiat.
Dès sa mise en ligne, la vidéo a suscité un malaise massif : réactions négatives, commentaires fermés, puis retrait pur et simple du film par McDonald’s Pays-Bas.
Pourtant, au-delà du rejet instinctif, ce cas mérite mieux qu’un simple verdict binaire.
Car cette publicité raconte quelque chose de beaucoup plus profond sur les limites actuelles de la création publicitaire assistée par IA.
Décryptage.
Une première impression dérangeante
Au premier visionnage, la réaction est quasi unanime.
Le film accumule les signaux de malaise :
- visages déformés,
- mouvements corporels incohérents,
- expressions faciales artificielles,
- ambiance anxiogène, presque dystopique.
L’ensemble évoque davantage un épisode de Black Mirror qu’un film de Noël grand public.
Or, à cette période de l’année, l’attente est claire : chaleur, émotion, réassurance.
Ici, c’est l’inverse qui domine.
Une intention créative pourtant identifiable
En regardant la publicité une seconde fois, l’intention devient plus lisible.
Le parti pris semble assumé :
- représenter le chaos du mois de décembre,
- adopter un rendu volontairement cheap,
- jouer avec l’esthétique de l’AI-slop,
- positionner McDonald’s comme un refuge familier dans un monde absurde.
Sur le papier, l’idée tient.
D’autant plus que le contraste est fort avec d’autres marques, comme Coca-Cola, qui ont opté pour des publicités IA extrêmement léchées et fidèles à leur ADN historique.
McDonald’s a clairement cherché le contre-pied :
plus grinçant, plus absurde, plus dérangeant.
Le problème : une intention mal assumée
Là où le film échoue, ce n’est pas sur le concept.
C’est sur son exécution émotionnelle.
Car une fois la vidéo publiée :
- les commentaires ont été désactivés,
- puis la publicité retirée.
Un signal fort.
Et contradictoire.
Si le malaise avait été pleinement assumé comme un choix créatif radical, la marque aurait pu tenir sa ligne, provoquer le débat, voire transformer la polémique en discussion culturelle.
En retirant le film, McDonald’s invalide implicitement son propre parti pris.
Une déception émotionnelle plus que technique
Les défauts techniques sont visibles.
Mais ce n’est pas le cœur du problème.
Le vrai échec est ailleurs :
- pas de rire,
- pas de surprise,
- pas de twist narratif,
- pas d’émotion identifiable.
Or, en publicité de Noël, rater l’émotion revient à rater la campagne.
Le malaise aurait pu être un levier.
Il n’est ici qu’un bruit parasite.
Une production IA loin d’être “rapide et économique”
Autre point rarement mis en avant dans le discours autour de cette campagne.
Le film a été produit par TBWA\Neboko, avec The Gardening Club, la division IA de The Sweetshop Films.
Le studio a communiqué sur :
- 7 semaines de production,
- des milliers de générations,
- une équipe mobilisée en continu.
Autrement dit :
- pas de production express,
- pas de réduction évidente des coûts,
- pas de simplification radicale du process.
Dans ce cas précis, l’IA n’a ni fait gagner du temps, ni garanti un meilleur résultat créatif.
Le piège de l’uncanny valley en publicité IA
Cette publicité illustre parfaitement un phénomène clé : l’uncanny valley.
Plus une création tente de se rapprocher du réel sans l’atteindre complètement, plus le malaise s’amplifie.
Et en publicité, la tolérance à l’étrangeté est extrêmement faible.
Avec l’IA :
- la moindre incohérence visuelle saute aux yeux,
- chaque micro-erreur est perçue comme un bug,
- l’artifice devient plus visible que l’intention.
Là où un film d’animation stylisé est accepté, une quasi-réalité défaillante est rejetée.
Ce que ce bad buzz révèle sur la création IA
Au-delà du cas McDonald’s, cette campagne met en lumière plusieurs enseignements structurants.
L’IA n’est pas une baguette magique.
Elle n’automatise ni l’émotion, ni la narration, ni la justesse créative.
Elle exige au contraire :
- une direction artistique extrêmement précise,
- une vision claire dès l’amont,
- un contrôle rigoureux des détails,
- une cohérence totale avec l’ADN de marque.
Plus la marque est forte, plus l’erreur est coûteuse.
L’IA oblige à être plus exigeant, pas moins
Contrairement aux idées reçues, l’IA ne pardonne rien.
Elle amplifie les failles.
En publicité :
- une incohérence émotionnelle devient un malaise,
- une ambiguïté créative devient un rejet,
- une mauvaise lecture devient un bad buzz mondial.
Ce cas rappelle une vérité simple :
utiliser l’IA en création publicitaire demande souvent plus de précision, pas moins.
Conclusion
La publicité IA de McDonald’s n’est pas un échec parce qu’elle utilise l’IA.
Elle échoue parce que l’émotion n’a pas été maîtrisée jusqu’au bout.
Ce bad buzz montre que :
- l’IA ne remplace pas l’intention créative,
- elle ne garantit ni efficacité, ni économies,
- elle expose les marques à un risque réputationnel accru.
L’avenir de la publicité intégrant l’IA sera sans doute plus rapide, plus flexible et plus technologique.
Mais il restera soumis à la même règle fondamentale :
sans émotion juste, il n’y a pas de campagne réussie.





