Études de cas

IA vs VFX : mon test Transformers a enflammé LinkedIn et m'a ouvert les yeux sur les limites de l'IA

6 MIN
October 7, 2025

J'ai publié un test comparatif entre Transformers 3 et sa version recréée par IA. Ce qui devait être une simple exploration technique s'est transformé en débat explosif avec des centaines de commentaires, majoritairement critiques. Retour humble et instructif sur une controverse qui m'a appris bien plus que le test lui-même.

Le test qui a tout déclenché

Ma méthodologie : reproduire Transformers 3 avec Kling AI

L'idée semblait simple : prendre des scènes iconiques de Transformers 3, les passer dans Kling AI 2.5 (intégré à la plateforme Scenario) via une fonction image-to-video, et comparer les résultats. Mon objectif ? Évaluer concrètement si l'IA peut rivaliser avec les VFX traditionnels sur des plans d'action complexes.

Mon processus :

  • Sélection de scènes du film original
  • Génération IA en "one-shot" sans prompts complexes
  • Comparatif visuel direct : film vs IA

Mes premiers résultats m'ont semblé bluffants. Sur certains plans, la qualité m'a impressionné. J'ai pensé que c'était utilisable en amont de post-prod. Avec le recul, j'étais peut-être un peu trop enthousiaste.

L'accroche qui a tout fait basculer

J'ai posé la question : "Est-ce qu'on a encore besoin d'une armée de VFX artists pour des plans qu'une IA peut générer en one-shot ?"

Je reconnais aujourd'hui être tombé dans le piège de l'algorithme LinkedIn. Cette accroche provocatrice, conçue pour générer de l'engagement, a complètement biaisé la perception de mon intention. Mon post original a cumulé des centaines de réactions - et beaucoup m'ont fait mal, mais m'ont surtout fait réfléchir.

Le paradoxe que je n'avais pas vu

La circularité de ma démarche

Le premier coup de massue est venu rapidement : pour créer ma version IA, j'ai utilisé le film original. Cette évidence m'a semblé secondaire sur le moment, mais elle invalide toute prétention à démontrer que l'IA pourrait remplacer le processus créatif initial.

Comme me l'a fait remarquer un expert : je ne démontre pas que l'IA peut faire des VFX, je démontre juste qu'elle peut copier du contenu existant - créé précisément par ces "armées de VFX artists" que mon titre semblait rendre obsolètes.

J'ai confondu reproduction et création

C'est probablement la leçon la plus dure à encaisser. Reproduire n'est pas créer. Mon test est l'équivalent d'utiliser une photocopieuse et de prétendre qu'on n'a plus besoin d'écrivains. La métaphore est brutale, mais juste.

L'IA n'a pas remplacé le processus créatif qui implique :

  • Conception artistique et direction créative
  • Storyboarding et prévisualisation
  • Choix techniques narratifs (focales, mouvements caméra)
  • Ajustements itératifs avec le réalisateur
  • Construction d'un univers visuel cohérent

J'ai testé un outil de reproduction, pas un outil de création. Nuance fondamentale.

Les limites techniques que je n'avais pas vues

Mon manque d'expertise VFX révélé

Je suis DA et illustrateur, pas expert VFX. Et ça s'est vu. Un compositing artist m'a rappelé une évidence : comment demander à l'IA un rendu 28mm plutôt que 50mm ? Comment obtenir un aspect anamorphique spécifique ?

Les données techniques qui me manquaient :

  • Paramètres caméra (focale, ouverture, profondeur de champ)
  • Informations capteur et objectifs utilisés
  • Distance de point et données de tracking
  • Comportements lumière et réflexions cohérentes
  • Gestion précise du motion blur

Ces éléments constituent la narration visuelle d'un film. Sans eux, je produisais des images certes impressionnantes pour un œil non averti, mais narrativement vides pour un professionnel.

L'écart qualitatif que j'ai minimisé

Avec du recul et les retours reçus, je dois l'admettre : les images originales sont largement supérieures. Cadrage, contraste, patine, flou, grain... La version IA est systématiquement en retrait, et pas de manière marginale.

J'étais impressionné par ce que l'IA produisait parce que je ne m'attendais pas à ce niveau. Mais comparer à l'excellence d'une vraie production hollywoodienne, c'est une autre histoire.

Ce que les professionnels m'ont appris

Pipeline professionnel : la réalité du terrain

Les retours de professionnels en production m'ont ouvert les yeux sur les exigences réelles :

  • Résolution 4K/HDR broadcast-ready
  • Absence totale d'artefacts tolérés
  • Itérations contrôlées avec versioning
  • Intégration dans des pipelines complexes
  • Gestion collaborative multi-équipes

Mon test était un exercice de "communication digitale" où un certain flou passe. En production Netflix ou cinéma, ces limitations sont rédhibitoires. L'IA reste cantonnée aux tests créatifs et contenus moins exigeants.

L'erreur éthique que je n'avais pas anticipée

Utiliser les scènes de Transformers 3 sans autorisation pour démontrer qu'on pourrait se passer de leurs créateurs... Présenté comme ça, ça fait mal. Et c'est pourtant exactement ce que j'ai fait, même sans cette intention.

Cette démarche illustre un manque de compréhension de la chaîne de valeur créative. Dans un contexte pro, j'aurais été exposé à des poursuites pour violation de propriété intellectuelle.

Mon mea culpa : les erreurs commises

Le piège de l'algorithme LinkedIn

Je l'admets pleinement : "Je suis tombé dans le piège de l'algo LinkedIn. L'accroche donne l'impression que je pose une question légitime... alors que j'utilise ces outils quotidiennement et je sais pertinemment que ça reste un outil avec d'énormes limites."

J'ai sacrifié la nuance pour le reach. L'accroche a performé - des centaines de commentaires, beaucoup de visibilité. Mais à quel prix ? En déformant ma pensée réelle et en heurtant une communauté que je respecte profondément.

Ce que j'aurais dû dire

Avec du recul, voici comment j'aurais dû formuler mon post :

"Test IA : j'ai voulu voir jusqu'où Kling AI peut reproduire des scènes de Transformers 3. Résultats intéressants mais limites évidentes. Spoiler : on est très loin de pouvoir se passer des équipes VFX pro. Retour d'expérience et limites techniques →"

Moins sexy pour l'algo, infiniment plus honnête intellectuellement.

Les leçons que je retiens

Sur la méthodologie : Partir d'images existantes biaise fondamentalement le test. La prochaine fois, je créerai du contenu original de A à Z.

Sur la communication : La performance algorithmique ne doit jamais primer sur la rigueur du propos. Le reach toxique n'apporte rien.

Sur l'humilité : Quand on touche à un domaine qu'on ne maîtrise pas parfaitement, mieux vaut poser des questions que d'affirmer des conclusions.

L'approche hybride : ce que je pense vraiment

L'IA comme outil d'assistance, pas de remplacement

Ma conviction profonde, que mon post a mal exprimée : l'IA ne remplacera pas les VFX artists. Elle peut les assister sur des tâches spécifiques. C'est d'ailleurs déjà le cas dans de nombreux workflows professionnels.

Les cas d'usage légitimes que je vois :

  • Comblement de plans manquants en post-production
  • Extension temporelle de séquences existantes
  • Pré-visualisation rapide pour validation créative
  • Tests d'ambiances et de concepts en amont
  • Upscaling et amélioration de résolution

Mais toujours dans une logique d'assistance, jamais de substitution complète.

Libérer du temps sur l'essentiel

La vision qui m'anime : décharger les équipes des tâches répétitives et épuisantes pour leur permettre de se concentrer sur les séquences complexes à forte valeur créative. Avoir une armée "plus en forme et moins épuisée pour se concentrer sur les choses qui ont plus de valeur."

Cette approche pragmatique préserve l'expertise humaine là où elle est irremplaçable : la vision artistique, le jugement créatif, la cohérence narrative.

Ce que cette controverse m'a appris

L'importance du regard professionnel

Les critiques les plus dures venaient souvent de vrais professionnels VFX. Et c'est normal : ils voyaient immédiatement ce que je ne voyais pas. Les artefacts, les incohérences, les manques de maîtrise technique.

Un senior compositor m'a fait remarquer que dans l'inconscient collectif, ce type de post crée une perception dangereuse : qu'un "gars random" pourrait remplacer 20 artistes spécialisés. Ce n'était pas mon intention, mais c'est bien ce que mon titre suggérait.

La responsabilité des créateurs de contenu IA

Nous qui travaillons avec l'IA et communiquons dessus avons une responsabilité : ne pas survendre les capacités actuelles, ne pas déformer la réalité pour du reach, ne pas dévaloriser le travail créatif humain.

Cette controverse m'a rappelé que chaque post a un impact. Les décideurs qui nous lisent peuvent former leurs opinions sur ces bases. Si on déforme la réalité, on participe à créer des attentes irréalistes.

Mon regard aujourd'hui : plus nuancé, plus humble

Ce que l'IA peut vraiment faire

Après cette expérience et tous ces échanges, voici ma vision réaliste :

L'IA générative vidéo est impressionnante pour des tests créatifs rapides, de la prévisualisation, du contenu digital moins exigeant.

Elle commence à s'intégrer dans des workflows hybrides où elle assiste des professionnels qui gardent le contrôle créatif.

Elle n'est pas prête à remplacer des équipes VFX sur des productions exigeantes, et ne le sera peut-être jamais totalement.

L'avenir que je vois : collaboration, pas disruption

Contrairement à ce que mon titre laissait penser, je ne crois pas à un remplacement brutal. Je crois à une évolution collaborative où :

  • L'IA décharge sur des tâches simples et répétitives
  • Les humains gardent le contrôle créatif et artistique
  • Les workflows s'hybrident intelligemment
  • L'excellence créative reste l'objectif prioritaire

C'est moins spectaculaire pour LinkedIn, mais infiniment plus réaliste et respectueux du travail créatif.

Conclusion : merci pour cette leçon

Cette controverse a été douloureuse par moments. Certains commentaires étaient durs, parfois même agressifs. Mais la majorité étaient justes et constructifs.

Ce que je retiens :

J'ai confondu performance d'un outil avec remplacement d'une profession. Erreur fondamentale.

Mon accroche a trahi ma pensée réelle pour performer algorithmiquement. Erreur de communication.

J'ai manqué d'humilité sur un domaine que je ne maîtrise pas assez. Erreur d'ego.

Mais j'ai aussi appris énormément. Sur les limites réelles de l'IA, sur les exigences professionnelles que je ne connaissais pas, sur ma responsabilité en tant que créateur de contenu.

Je laisse ce post en ligne comme rappel. Pour ne pas retomber dans le piège du sensationnalisme. Pour garder cette humilité retrouvée. Pour continuer à explorer l'IA, mais avec plus de rigueur et de respect.

L'IA est un outil fascinant. Mais elle ne remplacera jamais le talent, l'expérience et la vision des vrais artistes VFX. J'aurais dû commencer par là.

Et vous, qu'en pensez-vous ? Comment intégrer l'IA dans les workflows créatifs sans dévaloriser le travail humain ? J'écoute vos avis, et cette fois, je lirai vraiment avant de répondre.

Article écrit par
Yoni Attlan
Co-founder & Directeur Artistique

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